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5/7/24
Ons travaille depuis plus de 6 ans dans les affaires réglementaires de l’industrie pharmaceutique. Elle a débuté son parcours professionnel par le métier du développement des médicaments, particulièrement sur le développement analytique, le contrôle qualité ou encore les essais. Ces expériences lui ont permis d’acquérir des compétences techniques et de mieux comprendre la production d’un médicament au niveau moléculaire.
Après avoir découvert les dessous de la production d’un médicament, Ons eut la chance de découvrir les « Affaires Réglementaires » par une mission de rédaction de dossiers d’AMM et d’enregistrement. Ce fut une révélation, elle découvrit un univers regroupant diverses activités qui accompagnent le médicament de son état de molécule, à sa mise sur le marché et durant tout le long de son cycle de vie.
Retrouvez dans cette interview son point de vue sur l’évolution des affaires réglementaires, sa vision sur l’importance de cette transformation dans l’organisation de l’industrie pharmaceutique et ses conseils pour assurer sa conformité réglementaire.
L’industrie pharmaceutique française a été, et reste, une des premières du monde. Elle est en deuxième position du marché européen derrière l’Allemagne et est dans le TOP 3 des producteurs européens de médicaments.
La France est historiquement un territoire attractif pour les industries de santé et notamment pour le médicament à usage humain, ce qui se traduit par un fort dynamisme économique pourvoyeur de nombreux emplois.
Pour maintenir ce statut, l’industrie pharmaceutique française a dû rapidement s’adapter aux évolutions du marché :
La croissance des exportations majoritairement vers des marchés matures (Europe, Etats-Unis) mais aussi vers des marchés émergents (Europe de l’Est, Moyen-Orient) a suscité de nouvelles mesures d’encadrement. Toute cette croissance du domaine et l’ouverture vers le monde, obéit dorénavant à des réglementations homologuées.
Les scandales sanitaires, tels que « Mediator » ou encore les « prothèses PIP », ont conduit à un renforcement de la réglementation, traduit notamment par le durcissement des critères d’accès au marché d’un médicament ou dispositif médical.
Le développement continu des médicaments génériques a remis en cause le modèle des acteurs traditionnels, les conduisant à développer des solutions pour réduire fortement les coûts : optimisation des lignes de production voire localisation de la production des génériques hors de France, mise en place de programmes de lean management, réduction des réseaux de promotion…
Les entreprises ont historiquement intégré les affaires réglementaires dans la plupart des étapes de la chaîne de création d’un médicament (recherche, développement, production…). Le renforcement des normes en faveur d’une meilleure sécurité sanitaire va notamment pousser les acteurs du secteur à allouer des ressources aux études post-AMM, afin de sécuriser la place des produits, tout au long de leur « vraie vie ». Les industriels du médicament passeront ainsi de plus en plus d’une focalisation sur l’accès au marché vers une posture de défense et de maintien sur le marché.
Je constate une montée en puissance des affaires réglementaires et une mutation vers la coordination logistique des domaines préclinique et clinique. Les exigences réglementaires se renforcent tout au long de la vie du médicament, que ce soit en termes de bénéfice médico-économique que dans l’importance de la pharmacovigilance.
Dans cette approche décloisonnée du médicament et l’ouverture vers le monde, chaque métier devra intégrer les enjeux des autres métiers impliqués, avec la prise en compte accrue des dimensions réglementaires et médico-économiques notamment. Par ailleurs, les métiers des affaires réglementaires jouent désormais un rôle stratégique bien en amont du processus d’enregistrement.
Les exigences vont être de plus en plus fortes et les normes vont durcir l’accès à la mise sur le marché des médicaments et dispositifs médicaux. Les industriels du monde entier n’auront plus le choix que d’obéir à ces règlementations pour maintenir la place de leurs produits sur le marché. L’objectif des autorités est d’arriver à une harmonisation mondiale des procédures d’homologation. Les réglementations actuelles en vigueur tendent vers cet objectif et les futures ne feront que le renforcer.
La veille réglementaire est ainsi devenue une nécessité pour les industriels pharmaceutiques car une décision prise par une autorité dans un pays où leur produit est commercialisé peut amener à un changement radical de stratégie pour maintenir la commercialisation.
En ce qui concerne les tâches et les responsabilités des spécialistes aux affaires réglementaires, celles-ci se sont accrues avec la globalisation des marchés à travers le monde, les acquisitions d’entreprises, les restructurations et la réglementation en constante évolution.
Au-delà du rôle technique, les métiers des affaires réglementaires ont développé un rôle plus stratégique de conseil aux services des autres entités du laboratoire, qui s’est inscrit très en amont du processus d’enregistrement, mais aussi en aval avec la validation de l’ensemble des documents promotionnels. Le renforcement des exigences françaises en matière de publicité et d’évaluation médico-économique a eu pour conséquence le développement de nouveaux métiers dans le secteur du dispositif médical. Récemment, des postes spécifiques au contrôle de la publicité se sont développés dans ce secteur, ce qui relève d’un mouvement de fond.
Evidemment qu’elle l’est ! Sans les réglementations, tous types de produits pourraient être mis sur le marché alors même que leur efficacité n’est pas au rendez-vous. Les affaires réglementaires protègent les consommateurs. Seuls des médicaments ou dispositifs médicaux efficaces, certifiés et répondant aux diverses réglementations en vigueur peuvent être homologués. Cela dans le but de protéger la santé des patients.
Récemment paru, le nouveau règlement européen 2017/745 relatif aux dispositifs médicaux, entré en application le 26 mai 2021, fut une évolution importante pour renforcer la sécurité des dispositifs médicaux dans l’intérêt des patients, et où de nombreuses normes ont été durcies.
De mon côté, je travaille sur la mise en conformité avec les normes IDMP qui sont un ensemble de cinq normes issues des données émises par l’organisation internationale de normalisation :
Selon les normes IDMP, les sociétés pharmaceutiques et biotechnologiques sont tenues de soumettre par voie électronique des données détaillées sur les produits et de maintenir ces données ainsi que leur transmission à jour.
Le projet arrive à sa fin, mais ce fut l’un des plus importants défis pour les laboratoires pharmaceutiques européens. Cela les a poussés à procéder à des changements significatifs de leurs processus et systèmes produits, ouvrant ainsi une nouvelle ère en matière de collaboration transversale.
La portée large et interfonctionnelle de l'IDMP a nécessité un effort à l'échelle de l'entreprise dans son ensemble pour obtenir la conformité aux normes, la maîtrise de la gestion des données, la gouvernance des données et l’identification des systèmes sources faisant autorité. C’est une réelle transformation à l’échelle de l’organisation.
Je suis persuadée que la conformité réglementaire est, et restera, un défi constant pour les entreprises du secteur pharmaceutique. L’objectif d’arriver à des procédures d’homologation communes à l’échelle mondiale est un but qui prendra encore de nombreuses années avant d’être atteint, s’il est atteint un jour. Une succession de nouvelles réglementations verra ainsi le jour renforçant les affaires réglementaires à l’échelle de toute l’entreprise. On retrouve aujourd’hui des personnes en charge des affaires réglementaires dans divers services de l’entreprise et cela ne fera que se renforcer dans les prochaines années. Si je pouvais donner un conseil aux entreprises de l’industrie pharmaceutique : anticipez ce nouveau modèle qui s’installe petit à petit et renforcez vos équipes multidisciplinaires en AR, vous ne serez ainsi que mieux préparées aux transformations qui arrivent !