article

done_all

workspace_premium

science

Actualité

Projet

Retour d'expérience

Parole d'expert

timer

11

minutes de lecture

8 faits marquants et fondamentaux de la pharmacovigilance mis en lumière à l’heure de la Covid-19

SAnté

Retail & luxe

Énergie & environnement

Banque & assurance

Nathalie a commencé à s’intéresser à la pharmacovigilance il y a plus de 15 ans au travers de ses études en génomique appliqué au développement de nouvelles substances bio-active. Après plusieurs missions de pilotage de projets au sein d’un acteur mondial du conseil en IT et Life Sciences, Nathalie a rejoint Infogene afin de participer au développement de notre offre Affaires Réglementaires et mener des missions à fortes expertises réglementaires et IT aux côtés de nos clients.

Dans cette interview, Nathalie nous partage sa vision de l’évolution de la pharmacovigilance à l’heure de la Covid-19, et revient sur des fondamentaux dont l’actualité souligne l’importance !

La Covid-19 a-t-elle eu des impacts sur l’activité de pharmacovigilance ?

Oui bien sûr. A titre d’exemple, en 2020, il y a eu une mise à jour de la version avant publication du MedDRA. Celle-ci avait pour objectif d’intégrer les nouveaux termes et révisions liés à la Covid-19 afin d’assurer une capture, un partage et une analyse appropriés des informations scientifiques et médicales. C’est environ 70 nouveaux termes et révisions qui ont été implémentés en particulier dans le SOC (System Organ Classes) Infections and infestations et le SOC Investigations.

Cette mise à jour était essentielle pour permettre l’analyse des données médicales. A titre d’illustration, au niveau du grand public, on a vu apparaître la perte de goût comme un des symptômes principaux de la Covid-19. Les interprétations des symptômes évoluent !

Autre exemple : les autorités sanitaires ont mis en place des procédures accélérées pour l’évaluation des demandes d’essais cliniques. L’objectif était de réduire les délais tout en garantissant la sécurité des participants aux essais et la qualité du vaccin. Diminuer les délais entre les différentes phases et en mener certaines en parallèle, c’est un bouleversement dans le monde des études cliniques !

Pour toi, est-ce que cela a mis en lumière le rôle de la pharmacovigilance auprès du grand public ?

Oui et non… Cela a mis en avant l’importance du suivi des médicaments et de la pharmacovigilance auprès de toute la population. Contrairement à ce que beaucoup de gens s’imaginaient, ce n’est pas car un médicament est mis sur le marché que la surveillance s’arrête, au contraire ! Plusieurs évènements et affaires très médiatisées ont participé à cette prise de conscience ces dernières années, et plus récemment en particulier avec le vaccin AstraZeneca.

Cependant, cette prise de conscience est biaisée par un manque de culture de la donnée d’une partie du grand public et des médias. Des effets indésirables très restreints en nombre ont pris une dimension médiatique énorme, car ils ont été relayés massivement et parfois mal interprétés. Il y a eu une déformation de certaines données médicales par les médias, qui va à l’opposé de l’analyse très structurée et approfondie de pharmacovigilance.

L’analyse constante de la balance bénéfice-risque n’est malheureusement pas appréhendée dans sa globalité par la population. On se focalise uniquement sur le risque et on sort les données de leur contexte, ou on fait des liens entre un vaccin et des effets indésirables sans attendre l’étude. Cela va à contre-courant de la démarche scientifique… D’un côté, les autorités de santé européennes ont des protocoles très stricts et rigoureux, et de l’autre la réaction des personnes est très subjective. Cela a donc mis la pharmacovigilance en lumière, mais en concentrant la loupe sur une partie seulement !

De mon point de vue, l’ANSM doit aussi développer ce rôle d’acculturation du grand public et des médias à la donnée médicale. Il ne suffit pas qu’une information existe, encore faut-il qu’elle soit compréhensible par le plus grand nombre.

Une donnée médicale extraite de son contexte ne signifie rien !

Y-a-t-il d’autres fondamentaux à mettre en valeur en plus de cette culture de la donnée ?

Le premier fondamental, c’est que sans personne pour signaler les effets indésirables des médicaments, pas de pharmacovigilance et de suivi ! Les médecins sont bien sûr concernés, mais aussi l’ensemble de la population. Pour que les données statistiques soient fiables, la remontée d’informations doit être systématique.

Le portail de signalement des événements sanitaires indésirables https://signalement.social-sante.gouv.fr s’adresse ainsi aux particuliers comme aux professionnels de santé et autres professionnels (fabricant, distributeur, importateur…). Malheureusement, il est loin d’être connu et utilisé par tous.

A juste titre, l’ANSM communique sur le fait que la surveillance des vaccins contre la COVID-19 est un enjeu majeur. Elle a d’ailleurs mis en place un dispositif spécifique de surveillance renforcée des effets indésirables, qui s’intègre dans le plan de gestion des risques (PGR) de l’EMA (Agence Européenne du Médicament). Ce dispositif a à la fois une dimension de pharmacovigilance et de pharmaco-épidémiologie, c’est-à-dire d’analyse des données du SNDS (Système National des Données de Santé). La pharmaco-épidémiologie vient compléter l’activité de pharmacovigilance en permettant de quantifier les risques de survenue d’événements indésirables à l’échelle de la population.

Le deuxième fondamental qui est directement lié, c’est qu’il est essentiel de consolider les données au niveau européen. On le voit bien dans ce double dispositif dans lequel l’échange d’informations au niveau national, mais aussi avec l’Europe est la clé. Être capable d’effectuer une détection efficace des signaux dans chaque pays, de les consolider au niveau de l’EMA puis de les redistribuer renforce l’ensemble des études de pharmacovigilance.

Le troisième fondamental, c’est qu’il faut aussi communiquer sur l’analyse du lien de causalité entre la prise du médicament et l’événement indésirable. Sur tout événement indésirable, il y a une enquête qui est faite pour savoir si le lien est réel, probable ou inexistant, si l’événement est déjà listé ou non listé… On voit bien que cette étude scientifique est parfois occultée par le grand public et les médias ! Pourtant, c’est cette démarche qui permet de faire évoluer la balance bénéfice/risque et les populations cibles des médicaments, comme avec le vaccin AstraZeneca entre les moins et plus de 55 ans.

Encore une preuve de l’importance de développer la culture de la donnée médicale au sein de la population et de prendre une donnée dans son contexte !

Selon toi, quels sont les autres faits marquants de ces dernières années vis-à-vis de la pharmacovigilance ?

Je ne vais pas revenir sur les affaires autour de certains médicaments qui ont mis en relief des fragilités du système et ont permis de le consolider. Le domaine de la pharmacovigilance est en amélioration constante !

Tout dernièrement, depuis le 6 avril, l’ANSM a mis en place une nouvelle application de pharmacovigilance qui va remplacer la base nationale de pharmacovigilance existante. Elle a vocation à être adaptée aux obligations réglementaires européennes, et simplifie le traitement des signaux en s’interconnectant avec le portail des signalements. Ce que je retiens avant tout, c’est l’intégration d’un module d’intelligence artificielle afin de faciliter le travail d’expertise des centres régionaux de pharmacovigilance par exemple en précodant les effets indésirables. L’implémentation de la norme internationale d’échange de données va aussi dans le sens de ce dont nous parlions précédemment.

Le nouveau format normé avec E2BR3 est un vrai enjeu au niveau international et pour faciliter le développement de l’IA au sein des études. La progression informatique sur le traitement des données a fait un bond énorme ces dernières années. La mise à disposition des données et leur compilation sont beaucoup plus efficientes. Comparer plus de données, plus rapidement et sur un laps de temps plus grand a un vrai un impact sur les études de pharmacovigilance et la détection de signaux !

Si j’ai surtout partagé des points d’attention, je veux finir sur une note positive même si elle n’est pas liée directement à la pharmacovigilance. Cette période nous prouve aussi que de chaque crise, on peut sortir du bon. Cet épisode difficile montre que les nouvelles technologies peuvent avoir un impact direct, visible, fort, sur le grand public et la santé de tous. Les vaccins ARN messager en sont la preuve. C’est une conviction que tous nos consultants partagent au sein d’Infogene !